Jour 8
Il pleut à nouveau sur les rives de la Lena. On range l’ensemble de nos affaires, en grignotant par-ci par-là un petit bout de pain recouvert de lait concentré sucré. Pour limiter les frais, un ami d’Alexander, nommé Constantine, nous amènera en Jeep jusqu’à Bottomaï, le village de pêcheur qui est en face du Parc National des Colonnes de la Lena, sur la rive habitée. Ensuite, deux autres amis, Ruslan et Dima, nous rejoindront avec leur bateau et nous aideront à passer sur la rive sauvage, où les immenses Colonnes nous attendent.

(c) Clément Belleudy
Il nous faut deux heures de Jeep, à même les plages et chemin de terre détrempés, pour atteindre Bottomaï. Le spectacle est de taille : derrière les 4 kilomètres de Lena s’étendent à perte de vue les piliers orangés, couvrant une distance de plus de 45 kilomètres. Bottomaï est un village typique de la Sibérie : des grandes maisons en bois, très espacées, en très petit nombre, sur un pré verdoyant et gigantesque bordant une plage elle-même imposante. L’ambiance est bretonne, avec beaucoup de vent et d’humidité. Les deux amis au bateau n’arriveront qu’en fin de journée, pour patienter Alexander nous fait louer une bâtisse à un paysan. On a accès à de l’eau chaude, ainsi qu’à des lits qui semblent déjà fréquentés par des souris.La traversée de la Lena est une étape magnifique de notre périple. On empile les bagages sur le minuscule bateau gonflable à moteur, en veillant à ce que rien ne puisse tomber, on enfile les gilets de sauvetage, Iana se cale entre deux sacs, et nous voilà parti pour … 10 minutes de traversée !! Plus on se rapproche de la rive sauvage, et plus les Colonnes grandissent. Elles sont somptueuses. L’exploration verticale nous démange d’ores et déjà. A l’arrivée, une belle surprise nous attend, il y a plusieurs cabanes où vivent les gardes du Parc National de Lensky Stolby. Les deux jeunes nous proposent de nous laisser la leur pour notre séjour, sous réserve qu’il n’y ait pas de touristes fortunés qui demandent à la louer. C’est un luxe auquel on n’aurait jamais osé rêver. Tout est plutôt trivial, en bois, avec peu d’espace, mais au moins on a de quoi être au sec, et allonger convenablement.



A gauche, le copain blanc de Iana, avec ma chienne et moi. A droite, le déchargement des affaires à Batamaï, et la photo de groupe avec Virgile et Constantine.
(c) Clément Belleudy
Le groupe électrogène du Parc est mis en route le soir, entre 20h et 22h. C’est le moment où nous rechargeons toutes les batteries (appareils photos, ordinateurs, etc). Notre ami Alexander nous a accompagné sur la rive du Parc pour nous servir de guide et de traducteur les premiers jours, il devrait nous abandonner ensuite lorsque nous commenceront à grimper.



A gauche, Virgile au sommet des Colonnes. A droite, le repérage au sommet des Colonnes, et la cabane du Parc.
(c) Clément Belleudy
Jour 9 et 10
Les deux premiers jours sont exclusivement utilisés pour repérer des lignes potentielles d’escalade, et étudier le rocher et la structure des Colonnes. C’est un temps très important de l’aventure verticale et de l’ouverture en escalade traditionnelle. Connaissant la réputation du rocher, on cherche principalement des lignes de fissures, les plus propres possible, dans des zones aux couleurs saines.
Tout d’abord, on utilise le chemin de randonnée, qui contourne les falaises et permet de monter au sommet des Colonnes de la Lena, où il y a un petit plateau et un promontoire. De là, on peut observer le sommet des structures rocheuses. Dans un second temps, on redescend sur la plage de galet et on passe de nombreuses heures à marcher d’un côté et de l’autre des cabanes, afin d’observer aux jumelles les Colonnes dans les faces que nous pensons attaquer.
(c) Clément Belleudy
Le deuxième jour, bien que la météo ne soit pas très clémente, Alexander et Agaal (le jeune garde du Parc) nous amènent 10 kilomètres à l’intérieur des terres, en direction d’un autre secteur de Colonnes, plus sauvages et jamais fréquentées. On croise des empreintes d’ours, qui semblent nous indiquer la présence récente d’une maman et de son petit (à ce moment-là, Agaal rentre précipitamment au camp, certainement peu à l’aise dans l’environnement peuplé d’ours…).
Conclusion des repérages : on a noté pour l’instant deux Colonnes dont l’escalade nous parait envisageable. Elles font 100 mètres de haut, environ.
Jour 11
Il pleut à nouveau, à grosses gouttes. On est confiné dans notre toute petite cabane, on essaye de faire sécher le linge humide au-dessus de nous, et on s’occupe au mieux. Certains lisent beaucoup, d’autres jouent aux cartes. On mange régulièrement, et on se prépare mentalement à l’escalade qui nous attend. L’engagement est de taille, sur un rocher aussi médiocre, et à des milliers de kilomètres de toute instance occidentale, organisée pour les secours. Ici, on ne compte que sur nous, et on tâche d’être prudent à tout moment, quoi qu’on puisse faire de sportif . . .
Thibault

(c) Clément Belleudy